La construction en bois a le vent en poupe depuis quelques années. L’intérêt environnemental et architectural de ce matériau n’est pas nouveau, mais n’a pas tout à fait fini de faire débat, et cela sur de multiples aspects.
Nous, les acousticiens de Groupe GAMBA, nous sommes intéressés à ce matériau depuis fort longtemps et avons eu la chance, grâce à notre activité R&D au service des acteurs de la construction, de participer à un grand nombre d’opérations « bois » R&D et expérimentales.
Aujourd’hui, nous tentons de partager largement le fruit accumulé de ces années d’expériences, via nos interventions concrètes de Maître d’œuvre acousticien sur des projets « bois » de plus en plus nombreux mais, également, via l’organisation de formations, de webinaires et autres séances d’informations.
Si nous devions résumer en quelques paragraphes les points clés de l’acoustique des « constructions bois » comment nous y prendrions-nous ? Hé bien… au lieu d’expliquer comment je m’y prendrais, je crois que le mieux c’est de le faire.
Commençons par un bref rappel : la réglementation acoustique, somme toute assez récente, fixe des objectifs de résultats qui ne sont pas trop mal corrélés aux ressentis des occupants des locaux ; mais cela, dans un cadre bien particulier, celui qui existait lorsque la réglementation a vu le jour. C’est à dire celui des années 70 (1ere réglementation acoustique pour les logements en juin 1969) et au début des années 2000. L’univers de la construction était, pour schématiser, celui de la construction en béton.
Or, le bois et le béton sont des matériaux différents (ha bon ? hé oui, y en a un qui flotte, y en a un qui coule…). Le trait dominant du béton, du point de vue acoustique, c’est sa masse. C’est lourd, c’est solide, c’est inerte. Le bois… ha le bois… le bois, ça sent bon, c’est doux, c’est souple, c’est beau… je ne suis pas objectif ? Bon bon revenons à des éléments plus techniques : le bois a une densité bien moindre que le béton et, en conséquence, pour faire de l’isolation acoustique, il faut mettre en œuvre des parois complexes, multicouches, multiparements et on peut tout à fait atteindre les objectifs acoustiques réglementaires avec des parois multi-parement légères.
Relevons une petite spécificité de la réglementation acoustique : elle fixe des objectifs qui sont des valeurs globales qui « moyennent » l’influence des différentes bandes de fréquence. Elle ne fixe pas d’objectifs par bande de fréquence. Pour autant, l’être humain, qui est d’une nature un peu compliquée, ressent fortement les subtiles variations en fréquence, ou, plus précisément, écoute, entend, comprend, se repère, parce qu’il perçoit les différences de comportement de son environnement vis-à-vis des répartitions en fréquence sonore. Ainsi, vis-à-vis du ressenti humain, les objectifs réglementaires qui simplifient la prise en compte fréquentielle sont un peu tristounets. Pour autant, ils ne marchent pas trop mal dans le cadre des constructions en béton, c’est-à-dire des constructions qui ont, à peu près toutes, le même comportement en fréquence. Les simplifications, faites pour « définir » les objectifs réglementaires étaient pertinentes dans le cadre de ce comportement en fréquence de la structure bâtie.
Retour à notre comparaison bois/béton : une structure en bois, du fait principalement des densités, rigidités, inerties fondamentalement différentes n’a pas les mêmes comportements acoustiques en fréquence qu’une structure en béton. Notamment, pour une même valeur d’isolement acoustique global conforme à un objectif réglementaire, il est probable que la structure en bois laisse passer beaucoup de sons en basses fréquences. L’autre élément caractéristique est le comportement aux bruits de chocs (impacts de pas, de mouvements de mobilier, …) : à résultat « réglementaire » équivalent, les bruits de chocs pourront (sans précautions spécifiques) être bien mieux entendus dans une construction « bois » que dans une construction « béton ». Les bruits de chocs : c’est un des points sur lesquels la réglementation acoustique actuelle est la moins satisfaisante, y compris pour les systèmes constructifs béton, donc, si on augmente la perception de ce point déjà peu satisfaisant…
Ci-dessus une synthèse (étude de Qualitel sur les basses fréquences dans les logements collectifs datant de décembre 2016 ) montrant la prégnance de cette dimension sur l’ « insatisfaction » d’usage vis-à-vis de la construction bois (dans ces premières tentatives).
Loin de nous l’idée de vouloir alerter ici sur les constructions bois qui ne fonctionneraient pas « acoustiquement », ce n’est pas ça le message, l’idée c’est que l’on comprenne qu’avec la construction bois, on sort des « référentiels » habituels, notamment celui de la réglementation acoustique, adaptée au comportement structurel du béton. On sort des « référentiels », mais on sait traiter, aujourd’hui, les constructions bois pour éviter des retours négatifs.Il convient ainsi, sur un projet bois, d’élargir la gamme des objectifs de l’opération, et se préoccuper, (en attendant une éventuelle évolution réglementaire) des ressentis des futurs occupants. Si l’on veut réussir l’opération, c’est-à-dire que les futurs occupants y soient heureux, il faut adapter le mode de pensée lors de la programmation et pendant la conception.
Les problèmes sont aujourd’hui identifiés, les retours d’expériences l’ont permis. Des spécialistes (vous en cherchez ? cliquer là) savent appréhender ces questions et, merveille !, savent optimiser les projets, malgré la complexité et la finesse des solutions à mettre en œuvre. Des logiciels de calculs existent.
L’état de l’art commence à être posé, nous le partageons avec vous.
Le béton c’est solide, l’acoustique du bois c’est subtil.
Un article de Claude SENAT