Rencontre avec Nicolas Guillot architecte DPLG et partenaire de Groupe GAMBA

Implanté depuis 1990 dans le quartier de la Croix-Rousse à Lyon, 30 années de partenariat autour de l’acoustique des salles de spectacles nous réunissent. Cette rencontre a été l’occasion de débriefer et partager nos retours d’expériences.
 

GAMBA : Bonjour Nicolas, est-ce que vous pouvez vous présenter, raconter votre parcours, votre expérience ?

Nicolas GUILLOT :

J’ai commencé mon activité en 1990 par une première expérience dans le domaine culturel : le Sémaphore à Roussillon (Isère). En association avec un autre architecte (Christian Drevet) qui m’a mis le pied à l’étrier, nous avons livré cette salle de spectacles multifonctionnelle en 1994. J’avais quelques expériences dans le domaine de la musique puisque j’avais fait partie d’un groupe, fait des concerts et des enregistrements en studios. Le domaine du spectacle m’intéressait et cette expérience de musicien m’a permis de toucher la réalité de la sonorisation, de la qualité acoustique d’une salle.

Grâce à cette première référence en Marché Public j’ai pu réaliser ensuite d’autres salles de spectacles.

Sur la photo de gauche à droite : Jean Baptiste Cubaud, Nicolas Guillot, Olivier Servonnat, Jérôme Randy, Cédric Bonhomme

« Les visites de l’acousticien en phase chantier sont nécessaires. »

Depuis, nous concevons régulièrement des projets dans le domaine culturel, des salles de spectacles mais aussi, des médiathèques, des musées… pour lesquels l’acoustique est importante, à la fois dans la définition des volumes, du traitement des parois mais aussi du décorum, puisque la matière et la nature des habillages influent directement sur les ambiances. Aujourd’hui, nous avons dû livrer une centaine de réalisations dont au moins une vingtaine de salles de spectacles.

GAMBA : Quels sont, selon vous, les projets emblématiques, que ce soit de votre agence ou d’autres architectes, qui vous ont inspiré ?

Nicolas GUILLOT :

Il y a plusieurs projets qui ont marqué mon parcours. Après le Sémaphore, il y a eu la Cigalière sur la commune de Sérignan (Hérault), (1200 places en jauge max). Ce fut un projet remarquable, réalisé en collaboration avec Daniel Buren pour l’aménagement de la place.

Nous avons réalisé aussi le Studio 24 à Villeurbanne, avec Radu Molnar et Pascal Piccinato, livré en 2002, qui fait partie du Pôle PIXEL. Il s’agit de studios de tournage ou de répétitions pour le cinéma ou la télévision, mais aussi une salle de spectacles pour des répétitions ou représentations théâtrales.

L’espace Vasarely À Antony (Haut-de-Seine), comprend une grande salle multimodale pouvant accueillir jusqu’à 1200 personnes, une salle club de 200 personnes, des studios de répétition et d’enregistrement, ainsi que des espaces associatifs.

Le Colisée de Meaux (Seine-et-Marne) comprend une salle de spectacles modulable de 700 places assises dont 500 sur gradins mobiles, 1200 places en banquet, et jusqu’à 5 000 places en meeting.

L’Ecrin À Talant (Côte-d’Or), livré en 2009, est une salle de spectacle/théâtre de 450 places avec cage de scène, gril et faux-gril. La qualité acoustique de cette salle a d’ailleurs été saluée lors d’une interview de Coline SERREAU.

Et bientôt, le théâtre du canal à Lorette d’une capacité de 556 places avec une programmation multiple.

Ces derniers projets ont été réalisés avec GAMBA Acoustique.

En ce qui concerne mes influences, je suis particulièrement inspiré par les projets de l’Atelier Jean Nouvel, notamment le nouvel Opéra de Lyon et la Philharmonie de Paris. Ce sont des projets qui m’ont plu. La Philharmonie de d’Herzog et de Meuron à Hambourg est aussi très inspirante.

GAMBA : Le partenariat avec Acouphen / Groupe GAMBA remonte à plus de 30 ans. Comment abordez-vous la collaboration avec les ingénieurs, de manière générale ? Et plus spécifiquement, avec le BE Acoustique ?

Nicolas GUILLOT :

Nous aimons travailler avec des partenaires de confiance. On part systématiquement avec Gamba. C’est un travail commun et collaboratif donc il est important de bien se connaître. Les architectes sont à la synthèse de toutes les questions techniques, structurelles, thermiques et aussi acoustiques.

Nous écoutons attentivement les ingénieurs et comprenons mieux leur raisonnement et leurs contraintes techniques au fil du temps. Parfois, il y a des sujets qu’il faut trancher. L’architecte est souvent le mandataire, c’est donc à nous que revient la lourde tâche d’arbitrer entre les différentes problématiques.

Pendant les travaux, nous apprécions la présence des ingénieurs sur le chantier. Parfois, ils ne sont malheureusement pas assez présents. Notamment, pour les lots techniques, il y a des vérifications à faire pour lesquelles nous n’avons pas suffisamment de compétences. En acoustique, on a bien intégré les pièges à éviter, mais ça n’empêche pas que les visites de l’acousticien en phase chantier sont nécessaires : elles permettent de soulever des points d’attention qu’on n’aurait pas vu ou moins bien gérés.

Bastien MAUREY : Dans les échanges au sein de l’équipe de maîtrise d’œuvre, il y a une mission de synthèse. On se rend compte que cette mission n’est pas forcément réalisée par les architectes. Elle est même identifiée parfois en mission complémentaire et peut être sous-traitée.

Nicolas GUILLOT :

Oui, c’est surprenant, car, en plus de concevoir, la synthèse fait partie intégrante du rôle de l’architecte.

De plus, la mission de synthèse, en tant que mission contractuelle, est souvent réalisée en phase de chantier, alors qu’en fait, c’est avant qu’il faut la faire. Mais, une relecture supplémentaire de certains CCTP par l’acousticien peut être intéressante car cela permet de mettre en cohérence certains points spécifiques.

GAMBA : Oui c’est d’ailleurs notre pratique chez GAMBA, mais il est important que ce soit ciblé et clairement identifié.

« Pour connaître vraiment une salle, il faudrait assister au même spectacle depuis différentes places. »

En tant qu’architecte, lorsque vous assistez à un spectacle, que privilégiez-vous : regarder ou écouter ?

Nicolas GUILLOT :

C’est une question intéressante. Nous sommes naturellement sensibles à l’ambiance visuelle d’une salle, mais l’écoute reste également très importante. Et ce n’est pas évident d’être parfaitement satisfait. Dans les salles de type « rock », c’est essentiellement de la musique amplifiée, la puissance de la sonorisation peut masquer certaines imperfections acoustiques.  Dans les salles de spectacle modulables ou polyvalentes, c’est plus délicat. Les effets de résonance dans les basses fréquences peuvent se faire sentir. C’est difficile à maîtriser. Et puis la qualité d’écoute dépend d’où l’on se situe. Pour connaître vraiment une salle, il faudrait assister au même spectacle depuis différentes places. Enfin, la lumière joue un rôle sur l’ambiance de la salle et influence notre perception auditive. Nous entendons différemment si c’est très éclairé ou si nous baignons dans l’obscurité.

La bonne qualité acoustique d’une salle de spectacles, c’est quand on ne se pose pas la question de savoir si on entend bien, si on est gêné ou pas.  

C’est vrai aussi pour la lumière et le confort en général. Le décorum influe surtout quand on rentre dans la salle. Une fois installé dans son fauteuil, on se concentre sur le contenu du spectacle. Il peut y avoir des salles traitées de manière très brute voire brutale et ça n’est pas gênant pour l’immersion dans l’œuvre. D’ailleurs, on peut être plus gêné par un surplus de maniérisme que par un excès de sobriété.

« La bonne qualité acoustique d’une salle de spectacles, c’est quand on ne se pose pas la question de savoir si on entend bien, si on est gêné ou pas. »

GAMBA : Il n’est pas simple d’obtenir des retours d’expérience concernant les qualités acoustiques de lieux culturels. Comment vous avez ces retours-là ?

Nicolas GUILLOT :

Il est parfois difficile d’obtenir des retours directs, mais nous nous basons sur les avis des régisseurs, des maîtres d’ouvrage et parfois des spectateurs.

Pour l’espace Vasarely à Antony, j’ai eu de très bons retours de spectateurs. Cette salle est typique parce que les spectacles sont multiples. Il y a du classique et du moderne. Cela pose la question de la polyvalence de la programmation. Mais, pour les studios, nous avons reçu d’excellents retours, notamment de la part des ingénieurs du son. L’un d’eux a même dit que c’était parmi les meilleurs studios d’enregistrement de la région parisienne !

Le retour des musiciens est plus compliqué car ils ne font que quelques dates dans une salle et jugent la qualité d’une salle depuis la scène. Ce qui est différent des zones d’audience. Ça pose la question du traitement acoustique de la scène. De plus, les musiciens sont des artistes et leurs critères sont souvent des ressentis difficilement quantifiables. Leurs opinions sont plus subjectives et dépendent de nombreux facteurs.

GAMBA : On a évoqué la polyvalence des programmations dans les salles de spectacles. Quel est votre retour d’expérience, votre analyse sur ce point ?

Nicolas GUILLOT :

La polyvalence est souvent une demande des maîtres d’ouvrage, elle doit/peut servir à plusieurs typologies de spectacle, mais elle rend le traitement acoustique plus complexe. C’est le cas d’un théâtre, sur lequel nous avons travaillé par exemple. Au départ, le maître d’ouvrage veut réaliser un théâtre, mais il souhaite aussi une programmation assez étendue allant de la chorale, au jazz, à la variété, en passant par le théâtre et peut-être aussi un peu de classique.

Il y a même deux sujets dans le sujet de la polyvalence. Il y a, d’une part, le sujet de la programmation et puis il y a aussi ce que va réellement devenir l’équipement ; comment il va « vivre » en exploitation.

Le constat, c’est qu’on ne peut pas tout faire dans une salle de spectacles. Une salle ne peut pas convenir à tous les types d’activités. Donc, effectivement, il y a des compromis à trouver ou bien, apporter des solutions d’acoustiques variables (panneaux mobiles, rideaux de cage de scène, conque d’orchestre…) mais, ça peut être des dispositifs coûteux, qui prennent de la place et qui nécessitent du personnel pour les manœuvrer. Et qui sache s’en servir aussi…

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