Accueil › Un Cabaret pour Notre Dame de Paris ?
Après l’incendie de Notre-Dame, un concours (sauvage !) d’idées de rénovation, de réhabilitation, de transformation avait jailli : de l’envie de retrouver la cathédrale originelle à celle – sacrilège ! – d’implanter une piscine en toiture ou un manège dans la nef !
En restant dans le domaine du raisonnable, la question de restaurer « à l’identique » a déjà fait couler beaucoup d’encre : identique à quoi ? Entre le début de la construction (autour de l’an 1163) et l’achèvement de Notre-Dame, près de deux siècles s’étaient écoulés : les techniques et même le style avaient déjà évolué. Deux rénovations plus tard, aux XVIIIe et XIXe siècles, le monument n’était déjà plus celui d’origine…
Et qu’en est-il de l’ambiance acoustique de ce volume d’exception ? Les chants grégoriens résonnaient-ils de la même manière le 15 avril 2019 qu’au Moyen Âge ? Maintenant que la cathédrale est restaurée, a-t-on retrouvé la même qualité acoustique qu’avant l’incendie ?
En 2015, Brian F. G. Katz, directeur de recherche au CNRS, avait développé un modèle numérique de l’acoustique de Notre-Dame, en collaboration avec le Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris (CNSMDP). Ce modèle, basé sur des enregistrements précis réalisés lors du concert du 850ᵉ anniversaire de la cathédrale en 2013, a servi de référence pour la restauration acoustique post-incendie. Le modèle numérique a permis de simuler l’impact des matériaux et des structures sur l’acoustique, guidant ainsi les architectes dans leurs choix de restauration, au plus près de la qualité acoustique d’avant le sinistre.
Le modèle numérique du CNRS permet également de voyager dans le temps, puisqu’il est possible de plonger virtuellement dans l’ambiance sonore d’antan. Comme le précise Brian F. G. Katz : « L’acoustique de la cathédrale d’aujourd’hui n’est pas la même qu’il y a 100 ans ou 700 ans. Dans le passé, il y avait certainement moins de réverbération. La fonctionnalité de la salle était complètement différente. La peinture des murs, les tapis, les draps en laine ou en soie, les décors, les tableaux devaient absorber davantage le son. »
Lorsqu’on rénove un lieu de culte ou un vieux bâtiment en pierre (caveau voûté, anciens chais ou autres), on s’étonne souvent que le volume soit plus « sonore » qu’avant les travaux. « On n’a pourtant pas changé l’acoustique ! On a juste rejointoyé les pierres, réenduit les murs, verni les boiseries, refait un peu de peinture… »
Et oui ! Mais un vieux parquet usé par des milliers de passages, des pierres ou des joints âgés de plusieurs siècles présentent une porosité qui absorbe bien plus l’énergie sonore que les mêmes éléments après ponçage et vernissage !
Les vieilles pierres calcaires, les joints anciens, les bois usés créent des surfaces absorbantes qu’on supprime en les peignant ou en les enduisant. Sans parler des éléments de décoration (statuaire, colonnes, balustrades…) ou de mobilier qu’on trouve démodés et qu’on remplace par des éléments plus lisses, réduisant d’autant les surfaces diffusantes…
Le changement de destination des bâtiments engendre des problématiques acoustiques encore différentes : le besoin d’isolement entre logements est bien évidemment plus important qu’entre des bureaux, et les solutions de renforcement des planchers doivent être optimisées (cf Résidence Séniors rue Niel à Clermont Ferrand- 63). Mais qu’en est-il de la transformation d’une coopérative agricole en lieu culturel voir la Coopé à Bazièges 31), de la reconversion de locaux du Trésor Public en Maison de la Jeunesse et de la Culture (cf MJC Duclair 76), ou d’un cinéma dans une ancienne coopérative viticole (Cinéma au Péage de Roussillon 38).
Pour toutes ces réalisations (dont Gamba a assuré la qualité des ambiances acoustiques !), les besoins acoustiques ont été définis dès la programmation. Il a fallu trouver les bons compromis entre les contraintes structurelles, architecturales, de préservation patrimoniale et l’atteinte d’objectifs acoustiques adaptés, tout en maîtrisant les coûts, bien entendu !
Pour ces reconversions, la phase de diagnostic est essentielle : elle permet d’appréhender les difficultés techniques bien en amont des travaux. Les observations visuelles et auditives, les sondages, les mesures acoustiques permettent de déterminer précisément les performances du bâti existant. L’analyse de ces données par l’acousticien oriente la faisabilité du projet :
« Peut-on conserver ce plancher en bois ? Structurellement, oui, mais sa composition est insuffisante pour assurer l’isolement acoustique entre étages. Faut-il le doubler par en dessous ? Créer une chape flottante ? Les deux ? Mais quid du niveau fini des étages, si on crée une surépaisseur ? … »
Les difficultés peuvent être encore décuplées lorsqu’on doit créer une désolidarisation antivibratile, comme ce fut le cas pour l’l’Hôtel Villa des Prés à Paris (Hôtel rue de Buci). Un diagnostic très précis, des modélisations par éléments finis, des études spécifiques avec le Bureau d’Études Structure et un suivi de travaux continu permettent alors de garantir l’atteinte de critères de qualité haut de gamme.
Un des questionnements majeurs de ces transformations réside dans la définition même des objectifs : quel est le niveau de qualité acoustique attendu ?
S’il est vrai que des réglementations existent pour les logements, les locaux de santé, d’enseignement ou les hôtels (et qui peuvent s’appliquer à l’ancien dès lors qu’il y a changement de destination), elles ne garantissent pas que la qualité acoustique obtenue sera suffisante ou même bien adaptée.
Les critères acoustiques sont nombreux et s’accompagnent d’appellations techniques qui ne parlent qu’aux acousticiens : Ln’t,w, Dn,T,A,tr, Ln,A,T, etc. Comment les traduire de manière lisible pour les acteurs du bâtiment et pour les utilisateurs finaux ?
Le GIAc (Groupement des Ingénieurs Acousticiens) a créé un Indicateur Unique Acoustique qui permet, à partir des données habituelles (mesures ou calculs acoustiques), d’afficher un indicateur sur le modèle de l’étiquetage énergétique, avec, en une seule note (de A à G), la possibilité d’évaluer la qualité d’un logement.
Avec cet outil, nous pouvons aider un Maître d’Ouvrage qui souhaite rénover ou transformer un bâtiment de logements et a besoin d’évaluer la pertinence de différents scénarios : si je change uniquement les fenêtres, est-ce que mon bâtiment passera de G à F ? Et que faut-il améliorer pour atteindre la note « C » ?
Prévoir des scénarios de rénovation, de transformation, d’adaptation nécessite, à un moment ou à un autre (et le plus tôt est le mieux !), de se préoccuper de la performance acoustique du bâtiment.
Créer des bâtiments avec l’idée qu’ils auront plusieurs vies (bureaux puis logements ou hôtels…) peut permettre d’anticiper les difficultés de transformation, en intégrant, par exemple, des niveaux finis avec une réserve (planchers techniques puis chape flottante), des séparatifs adaptables, des éléments de jonction sur les façades…
Toutes choses qu’il est nécessaire de réfléchir en intégrant également la dimension temporelle à moyen terme : une école peut également servir régulièrement d’espace de loisirs pendant les vacances, une salle de réunion peut aussi se transformer temporairement en réfectoire. L’acoustique peut également varier en fonction des besoins : utilisation de rideaux, d’éléments amovibles, de mobiliers déplaçables…
De là à imaginer transformer Notre-Dame en food hall ou en centre nautique, il ne faut peut-être pas exagérer !
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