ARENA FUTUROSCOPE À POITIERS : après une annnée d'exploitation, le bilan.

Le bâtiment fête une année d’exploitation, il est intéressant de faire un bilan/retour d’expérience du bâtiment. Afin de croiser les métiers Bastien MAUREY, responsable de l’activité « Salles » chez GAMBA, interviewe Yann Galliot, directeur technique de l’Arena FUTUROSCOPE.

'Arena Futuroscope

L’Arena Futuroscope a été livrée en avril 2022. L’équipe de maîtrise d’œuvre comprenait notamment l’entreprise NGE (mandataire du groupement), l’agence d’architecture PATRIARCHE, et Groupe GAMBA en bureau d’études acoustiques du projet. Afin de croiser les métiers Bastien MAUREY, responsable de l’activité « Salles » chez GAMBA, interviewe Yann Galliot, directeur technique de l’Arena FUTUROSCOPE.

Bastien MAUREY, responsable de l’activité « Salles » chez GAMBA, interviewe Yann Galliot, directeur technique de l'Arena FUTUROSCOPE
GAMBA : Pourrais-tu me raconter cette première année d’exploitation de l’Arena Futuroscope ? Les avantages et les inconvénients…

Yann Galliot : En nombre de date, l’objectif à terme est de faire 70 concerts, 10 à 20 évènements sportifs et le reste en accueil divers. Cette année on a fait une douzaine de concerts, 5 ou 6 gros matchs dont les équipes de France de Handball et Volleyball et aussi les matchs du Poitiers Basket. Donc moins de dates que prévu mais des événements d’envergure et c’est relativement normal car tout était neuf, il fallait tout mettre en place. Ça a été intense. Des grosses journées, des petites nuits, des grosses semaines…

Personnellement je suis arrivé en fin de projet, 3 mois avant la remise des clés. Avec une prise de possession réelle quasiment à la remise des clés, ce qui a été trop rapide. Le travail de passation entre les équipes de maîtrise d’œuvre et les exploitants est primordial pour permettre d’adapter le bâtiment à certaines doléances techniques et mettre en place une organisation.

La technique et l’accueil des productions se sont bien déroulés, il y a eu davantage de travail sur la gestion des flux dans le bâtiment. À l’avenir, un des axes de travail portera sur l’optimisation de l’expérience visiteurs. L’objectif est d’améliorer encore le ressenti des spectateurs vis-à-vis de leur expérience quand ils rentrent chez eux.

 

GAMBA : Par rapport aux objectifs d’utilisation de la salle : sport, spectacle… Avez-vous eu l’occasion de mettre en œuvre toutes les configurations ?

Yann Galliot : On a fait tous les types d’évènements qui étaient prévus. En sport clairement, elle est superbe, c’est vraiment un mini-stade. On a l’impression, toutes proportions gardées, d’être dans une salle de basket américaine. Même si l’échelle n’est pas la même qu’aux USA, il y a une ambiance et une proximité du public, qui fait qu’on s’y croit.

« En sport clairement, elle est superbe, c’est vraiment un mini-stade. »
 
GAMBA : Ton commentaire me fait plaisir car c’est précisément cet effet de proximité qu’on a cherché à produire en conception.

Yann Galliot : C’est très réussi. En configuration concert, le ressenti est excellent, surtout pour la musique moderne. Ici on peut se permettre de diffuser avec des volumes sonores élevés, avec une super définition et sans se « casser les oreilles ». Il n’y a pas de réverbération à outrance, c’est équilibré.

« En configuration concert, le ressenti est excellent, surtout pour la musique moderne. »
 
GAMBA : Les retours d’expérience sur les qualités acoustiques d’une salle ne sont pas simples, notamment car le son ne se voit pas, il est intimement lié à l’état psychologique de l’auditeur et à son niveau de compétences auditives (audition ok et capacité d’écoute analytique). Quelles sont, selon toi, les qualités acoustiques d’une salle de spectacle ? D’une salle de sport ? Et est-ce que ça fonctionne, d’un point de vue acoustique, dans le cas de l’Arena FUTUROSCOPE ?

Yann Galliot : Moi j’ai tendance à dire qu’une salle doit être assez neutre, sans trop de couleur. Cela permet d’en faire ce que tu veux. Il ne faut pas que ça soit une chambre anéchoïque, bien sûr, mais qu’elle soit assez neutre en fréquence. Sur l’Arena FUTUROSCOPE, je trouve que c’est assez réussi.

La qualité des salles neutres c’est de pouvoir s’adapter à tous les styles de musiques.

Il faut aussi un haut niveau d’intelligibilité. Quand on a 5000 personnes, pour que ça soit intelligible, il faut pouvoir mettre de la pression acoustique (fort niveau) sur tout le spectre de fréquences. Là en l’occurrence, on peut avoir un niveau élevé et continuer à parler à son voisin. En configuration sportive, on entend clairement le speaker. J’insiste beaucoup sur ce point. Quand tu as 5000 personnes qui hurlent et que le speaker parle dans le micro, on entend ce qu’il dit sans être gêné par le bruit de la foule. Tu peux parler et comprendre ton voisin spontanément. Il y a certaines salles où ce n’est pas le cas.

 

GAMBA : Tu décris là une expérience utilisateur qu’on a tous vécue dans certaines salles et qui nous fait décrocher de l’émotion que nous vivons.

Yann Galliot : Oui c’est un enfer. Au point de ne pas vouloir renouveler l’expérience dans une salle, du moins pas sans bouchons. Au sein de l’Arena, on n’a pas besoin de bouchons, bien que parfois le niveau sonore monte haut. L’acoustique le permet. Je n’ai aucun mauvais retour de sonorisateur et même le contraire, c’est plutôt bon. J’ai de bons retours du monde professionnel mais aussi du public. Le public dit, et ça c’est assez rare, « il y a un bon son », « une belle acoustique ».

En fait, l’acoustique est tellement bonne, qu’elle permet d’identifier assez rapidement les compétences du sonorisateur.

 
GAMBA : Oui, je fais souvent l’analogie entre le métier de sonorisateur et le dessin pour se rendre compte. Une bonne acoustique c’est comme avoir un crayon plus précis. Lors d’un show, l’ingénieur du son dégrossit le mix au début puis, lorsque l’acoustique le permet, il peut affiner, sculpter la matière sonore et être vraiment précis dans le détail.

Yann Galliot : Oui l’Arena Futuroscope a cette faculté. Elle est assez neutre et assez mate. Finalement le sonorisateur a une belle réponse. Il peut travailler dans de bonnes conditions, il équalise, ça répond bien et peut atteindre facilement le niveau escompté, même vide.

Un exemple flagrant c’est sur les one man shows où il y a principalement une seule voix à sonoriser. Et sur les voix, un des réflexes de sonorisateur, c’est de craindre que ça tourne dans le bas du spectre. Donc il y a une tendance à couper assez fortement le bas du spectre d’une voix. Ici à l’Arena, ce n’est pas possible, j’ai vu des prestations avec des quantités phénoménales de microphones sur scène. Alors beaucoup en ear-monitor mais aussi avec des retours et aucun problème dans le bas du spectre.

 
GAMBA : Y a-t-il eu des productions avec de grands orchestres aussi ?

Yann Galliot : Oui dernièrement, il y a eu le Lac des cygnes qui s’est très bien passé.

Pour les évènements classiques type ballet ou une pièce de théâtre, la salle sonne bien.Le public, malgré quelques réticences au début, commence à se faire à la salle. C’est un public qui avait l’habitude d’aller au Palais des Congrès, qui est un beau théâtre bien confortable de 1200 places, ce n’est pas pareil.Sur ce type de spectacle, on commence à passer les 1500 places. Ce n’est pas énorme pour l’Arena qui peut en contenir jusqu’à 6000.

GAMBA : Le travail de l’acousticien est souvent invisible pour les utilisateurs. En effet, notre rôle de bureau d’études acoustiques ne nous fait que rarement rencontrer les professionnels et utilisateurs. Aujourd’hui nous avons ce plaisir, avec cette interview, donc quels sont les conseils/points d’attention/retours d’expériences que tu pourrais faire à un bureau d’études acoustiques ?

Yann Galliot : À mon avis, un des points importants pour les concepteurs, c’est de faire de la veille, d’aller voir des spectacles, d’aller voir des salles, d’aller à un montage de spectacle. Il faut s’imprégner de l’environnement car il y a tellement de petits points que les lister à l’oral est difficile. D’autant plus que les métiers du spectacle vivant évoluent et donc c’est important de ne pas se baser uniquement sur son expérience. Il faut s’immerger dans la vie au quotidien de l’exploitant.

Il y a un certain nombre de maîtres d’œuvre et maîtres d’ouvrage qui ne sont pas au courant, il faut faire vivre les choses, faire des retours d’expérience. Concrètement, il faut faire ce que tu fais là avec cette interview.

GAMBA : Une salle de spectacle est un lieu où il existe de nombreuses contraintes afin que l’expérience de spectacle soit la plus immersive. Et l’acoustique est souvent reléguée dans des sujets moins importants. Quel est ton point de vue sur le sujet ? Est-ce que tu as une vision d’aspects plus prioritaires que d’autres ?

Yann Galliot : C’est vrai que l’acoustique est malheureusement considérée comme la dernière roue du carrosse et pourtant dans le terme audiovisuel, l’audio est devant le visuel, ce n’est pas anodin parce que tu ne peux pas regarder un film sans son pendant 1 h. Par contre, tu peux écouter du son pendant 1 h sans image.

Et effectivement l’acoustique ne se voit pas mais elle est essentielle. À cet argument certaines personnes m’ont répondu naïvement, « oui mais il y a bien eu des films muets ». Oui mais muets ne veut pas dire sans son, il y avait un orchestre qui jouait. L’humain ne peut pas regarder des images sans son, à un moment son esprit se détourne.

Donc le son est essentiel mais il est souvent la dernière roue du carrosse face à ses concurrents du visuel et maintenant il y a en plus 2 aspects distincts dans le visuel : la lumière et la vidéo, qui demandent beaucoup d’argent, beaucoup plus que le son.

GAMBA : Est-ce que tu connaissais Groupe GAMBA avant cette opération ? Est-ce que tu avais eu des retours ?

Yann Galliot : Je ne connaissais pas Groupe GAMBA avant l’opération de l’Arena FUTUROSCOPE. J’en ai entendu parler quand je suis arrivé sur le projet et j’avais eu de bons retours de mes collègues de l’ARKEA Arena à Bordeaux.

GAMBA : Oui effectivement on a aussi participé à ce projet.

Je te remercie du temps accordé. J’espère que les années futures seront riches pour toi et l’Arena FUTUROSCOPE.

Yann Galliot : Oui la programmation de la rentrée est déjà très intéressante avec de grosses productions comme SOPRANO, Louis BERTIGNAC, Ibrahim MAALOUF, JAIN, …

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